CHAPITRE VINGT ET UN

« Commandant ? Vous m'entendez, pacha ?

La voix se fraya un chemin dans sa tête, et elle ouvrit les yeux. Ou plutôt un œil. Elle accommoda laborieusement et cligna de l'œil pour reconnaître le visage qui se penchait sur elle.

Une mâchoire triangulaire familière était appuyée sur son épaule droite, et elle tourna la tête pour croiser le regard vert et inquiet de Nimitz. Le chat sylvestre était allongé à côté d'elle plutôt que lové sur elle, sa position préférée, et il ronronnait si fort que le lit en tremblait. Sa main lui semblait étonnamment lourde mais elle la porta aux oreilles de son compagnon et l'inquiétude que traduisait le ronronnement de celui-ci s'atténua légèrement. Elle le caressa de nouveau puis releva les yeux en entendant un bruit discret. Andreas Venizelos se tenait aux côtés du chirurgien chef Montoya et l'élégant second avait l'air aussi inquiet que Nimitz.

« Je suis comment ? » essaya-t-elle de demander. Mais les mots qui lui échappèrent étaient mal articulés, indistincts, car seule la moitié droite de sa bouche lui avait obéi.

« Vous pourriez aller beaucoup mieux, commandant. » Les yeux de Montoya se mirent à briller de colère. « Ces salauds ont bien failli vous tuer.

— C'est très grave ? » Elle prit son temps cette fois, s'efforçant de former chaque syllabe, sans grand résultat.

« Pas aussi grave qu'on aurait pu croire. Vous avez eu de la chance, commandant. Vous n'avez été touchée que par la périphérie de la boule de son, mais quelques centimètres plus à droite ou plus haut et... » Le docteur s'arrêta et s'éclaircit la voix. « C'est votre joue gauche qui a tout pris, pacha. Les dommages causés aux muscles ne sont pas aussi sérieux que je le craignais, mais la peau est très abîmée. Le coup a aussi brisé l'arc zygomatique, c'est-à-dire la pommette juste sous et vous vous êtes cassé le nez en tombant. Plus grave, entre l'œil et le menton, les nerfs sont presque tous morts, jusqu'à environ un centimètre en avant de l'oreille. Heureusement, la structure de l'oreille et les nerfs auditifs ont été épargnés, et vous devriez encore pouvoir contrôler au moins une partie de vos muscles faciaux de ce côté. »

En bon médecin, Montoya ne permettait pas à l'expression de son visage d'en dire plus aux patients que ce qu'il voulait bien leur révéler. Celle de Venizelos, en revanche, était facile à déchiffrer, et sa définition de la « chance » ne rejoignait manifestement pas celle de Montoya. Honor déglutit et leva la main gauche. Elle sentit sa peau sous ses doigts, mais elle eut l'impression de toucher quelqu'un d'autre : sa joue ne ressentait rien du tout, pas même la pression, et elle n'était pas engourdie.

« À long terme, je pense que tout ira bien, commandant, fit aussitôt Montoya. Il va vous falloir une belle greffe nerveuse mais les dégâts sont assez localisés pour que l'opération se révèle plutôt simple. Ça va prendre du temps, et pour ma part je ne me risquerais pas à essayer, mais un chirurgien comme votre père s'en chargerait sans problème. En attendant, je peux m'occuper des os cassés et de la peau avec un soin accélérateur.

— Et mon œil ?

— Ça se présente mal, commandant, répondit le chirurgien, imperturbable. Il y a énormément de vaisseaux sanguins dans l'œil. La plupart se sont rompus, et comme vous n'aviez plus le contrôle de vos muscles vous n'avez pas pu fermer la paupière en tombant sur le tapis. La cornée est salement lacérée : des débris –porcelaine et verre brisé – s'y sont fichés, ainsi que dans le globe oculaire lui-même. » Elle le fixa de son œil valide et il soutint franchement son regard.

« je ne crois pas qu'on puisse le sauver, commandant. Ou alors vous ne pourrez pas faire grand-chose d'autre que distinguer entre ombre et lumière, de toute façon. Il va vous falloir une transplantation, une régénération ou une prothèse.

– Régén', pas possible. » Elle serra les poings de rage au son inarticulé de sa voix. « M' mère a vérifié mon profil y a des années.

— Eh bien, il vous reste encore la greffe, pacha », fit Montoya. Elle se força à hocher la tête. La plupart des êtres humains pouvaient profiter des techniques relativement récentes de régénération, mais Honor faisait partie des trente pour cent à qui cela était impossible.

« Et le reste de mon visage, de quoi l'a l'air ? demanda-t-elle.

— Horrible, répondit honnêtement Montoya. Le côté droit va bien mais le gauche est dans un triste état, et vous perdez encore un peu de sang. J'ai drainé les principaux œdèmes, et les coagulants devraient stopper les hémorragies sous peu, mais franchement, pacha, vous avez de la chance de ne rien sentir. »

Elle hocha de nouveau la tête : elle savait qu'il avait raison. Puis elle s'assit dans un mouvement brutal. Montoya et Venizelos se regardèrent et le chirurgien parut un instant sur le point de protester, mais il haussa les épaules et s'écarta pour la laisser s'observer dans le miroir accroché à la cloison derrière lui.

Ce qu'elle y vit la choqua malgré les avertissements du docteur. Son teint pâle et le blanc éclatant du pansement qui recouvrait son œil rendaient plus effrayante sa blessure – un camaïeu de bleu, de noir et d'écarlate. On aurait dit qu'elle avait été frappée avec une matraque – ce qui, en un sens, était parfaitement conforme à la réalité – mais ce qui la consternait, c'était l'immobilité totale, cadavérique, de toute la moitié gauche de son visage. Son nez cassé lui faisait mal – un élancement régulier, modéré – et sa joue droite semblait tendue en réaction, mais à gauche la douleur cessait. Au lieu de s'atténuer progressivement elle s'arrêtait tout simplement, et le coin de sa bouche demeurait légèrement entrouvert. Elle essaya de le fermer, elle tenta de bander les muscles de sa joue mais rien ne se produisit.

Elle contempla le miroir, s'efforçant d'accepter son image, se répétant que Montoya avait raison et que, malgré les apparences, les dégâts étaient réparables. Mais tout son optimisme ne formait qu'un frêle rempart contre la révulsion qu'elle ressentait en se voyant.

« Chai eu meilleur allure », dit-elle en regardant, horrifiée, le côté droit de sa bouche et de son visage bouger normalement. Elle prit une profonde inspiration et essaya de nouveau, très lentement. « j'ai eu meilleure allure », parvint-elle à articuler. Et même si sa voix semblait encore étrange et hésitante, du moins elle lui ressemblait.

« Pas de doute, commandant, acquiesça Montoya.

— Eh bien. » Elle détacha son regard du miroir et leva l'œil vers Venizelos. « Autant se lever. »

Ses mots sortirent presque clairement. Peut-être que ça irait, finalement, si elle n'oubliait pas qu'elle devait parler lentement et posément.

« Je ne suis pas sûr que ce soit une bonne i... commença Montoya.

— Pacha, je peux m'occuper du vaisseau tout... » fit Venizelos au même moment, mais ils s'arrêtèrent tandis qu'elle passait les jambes par-dessus le bord du lit. Elle posa les pieds par terre et Montoya tendit la main comme pour l'arrêter.

« Commandant, vous ne le sentez peut-être pas, mais vous vous êtes pris une sacrée raclée ! Le capitaine Venizelos maîtrise la situation ici, et le capitaine Truman se débrouille très bien avec l'escadre. Ils peuvent continuer encore un peu.

— Le toubib a raison, pacha, insista Venizelos. Nous nous occupons de tout. » Sa voix se fit plus dure comme Honor les ignorait tous les deux et se mettait difficilement debout. « Oh, hon Dieu, pacha! Retournez dans ce lit !

— Non. » Elle s'agrippa au lit pour conserver l'équilibre tandis que le sol se dérobait sous ses pieds. « Comme vous dites, docteur, je ne sens rien, fit-elle lentement. Autant en profiter. Où est mon uniforme ?

— Vous n'en avez pas besoin, parce que vous allez retourner tout droit au lit !

— J'en portais un en arrivant. » Son regard se posa sur un vestiaire. Elle se dirigea vers le casier, et si son pas était légèrement chancelant, elle choisit de l'ignorer.

« Il n'est pas là-dedans », intervint vivement Montoya. Elle s'arrêta. « Votre intendant l'a emmené. Il a dit qu'il essayerai d'enlever les taches de sang, ajouta-t-il.

— Alors trouvez-m'en un autre.

— Commandant... » reprit-il sur un ton plus dur encore. Elle se retourna pour lui faire face. Le coin de sa bouche se fendit en un sourire plein d'ironie qui ne fit qu'accentuer l'allure grotesque du côté gauche de son visage, affreux et mort. Mais dans son œil brillait comme une étincelle.

« Fritz, soit vous me trouvez un uniforme, soit vous me regardez sortir d'ici dans cette tenue ridicule, lui dit-elle. Alors, que choisissez-vous ? »

Andreas Venizelos se leva à l'entrée du capitaine Truman, mais pas Honor. Elle avait amené Nimitz dans ses bras plutôt que sur ses épaules car elle se sentait encore trop peu assurée pour lui offrir sa place habituelle, et elle n'avait nullement l'intention d'afficher l'irritante faiblesse de ses genoux plus qu'il n'était besoin.

Elle leva les yeux vers son commandant en second et se prépara à la réaction de Truman. Elle avait déjà vu la colère outrée de MacGuiness lorsqu'il avait découvert son visage en apportant l'uniforme qu'elle réclamait, et Venizelos ne faisait aucun effort pour dissimuler ce qu'il pensait : elle exigeait trop d'elle-même. Elle ne fut donc pas surprise quand Truman eut un mouvement de recul.

« Mon Dieu, Honor ! Qu'est-ce que vous faites hors de l'infirmerie ? » Le regard vert de Truman se fixa un instant sur son visage blessé avant de se détourner délibérément pour se concentrer sur l'unique œil valide du commandant. «Je contrôle la plupart des problèmes et ça ne m'aurait pas du tout gênée d'aller vous voir là-bas.

— Je sais. » Honor désigna une chaise et regarda sa subordonnée s'asseoir. » Mais je ne suis pas encore morte », poursuivit-elle. Elle détestait la lenteur de son élocution. « Et je ne vais pas rester au lit. »

Truman regarda Venizelos et le second haussa les épaules.

« Fritz et moi avons essayé, capitaine. Ça n'a pas eu l'air de faire beaucoup d'effet.

— Non. Alors n'essayez plus, fit Honor. Contentez-vous de me dire ce qui se passe.

— Vous êtes sûre d'en être capable ? Vous... Je suis désolée, Honor, mais vous devez savoir que vous n'avez pas bel air du tout, et ce n'est pas mieux quand vous parlez.

— Je sais. Mais c'est juste à cause de mes lèvres », mentit-elle. Elle toucha le côté gauche de sa bouche, regrettant de ne pouvoir le sentir. « Vous parlez, moi j'écouterai. Commencez par le Protecteur. Il est vivant ?

— Bon, si vous êtes sûre. » Truman semblait douter mais Honor hocha fermement la tête et le capitaine haussa les épaules. « Très bien. Oui, lui et sa famille sont sains et saufs. Mon dernier rapport date de... (elle vérifia son chrono) vingt minutes, et la tentative d'assassinat remonte à seulement cinq heures, donc je ne peux pas vous donner de détails très précis. À ce que j'ai compris, vous vous êtes retrouvée au beau milieu d'une tentative de coup d'État.

— Clinkscales ? » demanda-t-elle. Truman secoua la tête.

– Non. C'est ce que j'ai d'abord pensé, moi aussi, puisque les assaillants faisaient partie de la sécurité, mais ce n'étaient pas de vrais gardes, finalement. Il s'agissait des membres d'une certaine "Confrérie de Maccabée", un genre de groupuscule extrémiste clandestin dont personne ne soupçonnait l'existence. » Truman s'arrêta et fronça les sourcils. Je ne suis pas sûre d'être prête à gober qu'ils ne savaient rien.

— Moi je le crois, commandant. » Venizelos se tourna vers Honor. J'ai surveillé les réseaux planétaires d'information d'un peu plus près que le capitaine Truman n'en a eu le temps. En dehors de quelques vidéos spectaculaires, fit-il en la regardant bizarrement, tout n'est que conjectures, mêlées d'une bonne dose d'hystérie, mais une chose semble assez claire : personne sur la planète n'a jamais entendu parler des "Maccabéens", et personne ne sait vraiment ce qu'ils comptaient obtenir. »

Honor hocha la tête. Pas étonnant que les Graysoniens soient en émoi. L'inverse l’aurait plutôt surprise. Mais si le Protecteur Benjamin était sain et sauf, il y avait encore un gouvernement, et en ce moment c'était tout ce dont elle avait le temps de se soucier.

« L'évacuation ? s'enquit-elle auprès de Truman.

— Elle est en cours, lui assura le capitaine de frégate. Les transporteurs sont partis il y a une heure et j'ai envoyé le Troubadour avec eux jusqu'à l'hyperlimite pour plus de sécurité. Grâce à ses capteurs, ils devraient être prévenus suffisamment à l'avance pour éviter tous les pièges avant la translation.

— Parfait. » Honor se frotta la joue droite. Ses muscles la faisaient souffrir de ce côté : ils devaient fournir à eux seuls tous les efforts pour faire bouger sa mâchoire; la perspective de devoir manger l'effrayait.

« Du nouveau du côté des Masadiens ? demanda-t-elle après un instant.

— Rien. Nous savons qu'ils sont au courant de notre présence et ils auraient déjà dû tenter quelque chose mais ils ne donnent pas signe de vie.

— Le central opérationnel ?

– On ne les a pas entendus, commandant, répondit Venizelos. Votre capitaine Brentworth est encore à bord mais même lui n'arrive pas à en tirer grand-chose pour l'instant.

— Ça ne doit pas trop nous surprendre, Honor, fit Truman. Si ces tarés ont vraiment berné les services de sécurité, ils doivent s'inquiéter d'éventuelles taupes dans l'armée, au moins tant qu'ils n'ont pas une idée précise de l'ampleur du complot. En fait, je ne serais pas étonnée qu'un idiot ait déjà pondu une théorie selon laquelle ce qui est arrivé à leur flotte résulterait d'une "trahison machiavélique du haut commandement" en vue d'organiser l'assassinat.

— Donc pour l'instant nous ne pouvons compter que sur nous-mêmes, fit Honor plus lentement que sa bouche abîmée ne le requérait. Quel est le statut du noyau alpha du Troubadour ?

— Les radoubeurs de Grayson ont confirmé le diagnostic d'Alistair, répondit Truman. Il est complètement fichu et ils ne peuvent pas le réparer. Leur technologie Warshawski est encore plus limitée que je ne le pensais et leurs composants ne sont tout simplement pas compatibles avec les nôtres. En revanche, leurs impulseurs standard sont très proches des nôtres et le lieutenant Anthony s'est mis en contact avec leur ingénieur en chef avant que je n'envoie le Troubadour accompagner les transporteurs. D'ici à son retour, les Graysoniens devraient avoir produit des noyaux bêta améliorés pour remplacer les noyaux endommagés, bêta comme alpha. Le Troubadour n'aura toujours pas de Warshawski mais il aura retrouvé une accélération maximale de vingt-cinq g.

— Délai pour le remplacement ?

— Anthony l'estime à vingt heures, les Graysoniens à quinze. Dans le cas présent, les Graysoniens sont sans doute plus près de la vérité. Je pense qu'Anthony est atterré par leur niveau technologique et qu'il sous-estime leurs capacités. »

Honor hocha la -tête puis en éloigna vivement sa main avant que celle-ci ne se remette à lui masser le visage.

– Très bien. Si nous pouvons laisser le Troubadour hors d'état d'alerte assez longtemps, alors... »

Son terminal sonna et elle appuya sur un bouton pour répondre. « Oui ?

— Commandant, j'ai un message personnel pour vous en provenance de Grayson, annonça la voix du lieutenant Metzinger.

« De la part du Protecteur Benjamin. »

Honor regarda ses subordonnés puis se redressa dans son fauteuil.

« Passez-le-moi. »

L'écran du terminal s'anima aussitôt et Benjamin Mayhew, l'air las et préoccupé, apparut. Il ouvrit de grands yeux et son visage s'assombrit, bouleversé, en voyant la blessure et l'œil bandé d'Honor.

« Capitaine Harrington, je... » Sa voix était rauque et il dut s'arrêter pour tousser, puis il cligna plusieurs fois des yeux en s'éclaircissant bruyamment la gorge.

« Merci, dit-il enfin. Vous avez sauvé la vie des membres de ma famille et la mienne. Je serai éternellement votre obligé. »

Le côté droit du visage d'Honor s'empourpra, et elle secoua la tête.

« Monsieur, vous m'avez aussi sauvé la vie. Et je ne faisais que me protéger moi-même.

— Bien sûr. » Mayhew parvint à esquisser un sourire fatigué. « C'est pourquoi vous et votre chat sylvestre... » Ses yeux se posèrent soudain sur l'épaule inoccupée d'Honor. « Il va bien, n'est-ce pas ? J'ai cru comprendre...

— Il va bien, monsieur. » Elle se maudit d'avoir parlé trop vite dans sa hâte à le rassurer car ses mots étaient si peu articulés qu'ils en étaient à peu près incompréhensibles. Plutôt que de s'embarrasser en les répétant, elle saisit Nimitz et l'exhiba devant la caméra du terminal. Mayhew se détendit un peu.

« Dieu merci ! Élaine était presque aussi inquiète pour lui que nous tous pour vous, capitaine.

— Nous sommes des durs, monsieur, répondit-elle lentement et distinctement. Tout ira bien. »

Il contempla son visage mutilé d'un air dubitatif en essayant de cacher sa consternation. La médecine manticorienne était meilleure que celle de Grayson, il le savait, mais il avait vu la blessure sanglante de son œil tandis que l'équipe médicale de Sa Majesté -et des fusiliers marins sinistres en armure de combat - l'évacuait. Le reste des dégâts avait l'air encore pire maintenant, et son élocution difficile et la paralysie de ses muscles n'étaient que trop évidents... et horribles. Son visage autrefois si mobile et si expressif restait honteusement figé, rigide et enflé, et Mayhew, malgré toute sa sophistication extraplanétaire, demeurait un Graysonien. Pour lui, rien ne pouvait totalement effacer l'idée que les hommes devaient protéger les femmes, et la certitude qu'elle avait été blessée en le protégeant lui était insupportable.

« Je vous assure, monsieur. Tout ira bien », répéta-t-elle. Il finit par décider qu'il n'avait pas le choix : il devait la croire.

– Je suis heureux de l'entendre. Mais pour l'instant, dit-il d'une voix soudain plus dure, j'ai pensé que vous aimeriez peut-être savoir qui se trouvait derrière ce coup d'État.

— Vous le savez ? » Honor se pencha en avant et sentit Venizelos et Truman se raidir, tout aussi intéressés.

« Oui. » Mayhew en avait l'air malade. « Nous avons sa confession sur cassette. Il s'agissait de mon cousin Jared.

— Votre cousin ? » s'exclama Honor avant de pouvoir se retenir; il hocha misérablement la tête.

« Apparemment, toute sa rhétorique anti-masadienne n'était rien d'autre qu'une couverture, capitaine. Il travaille pour eux depuis plus de huit ans. Pire encore, le conseiller Clinkscales pense maintenant qu'il était le second "Maccabée" et non le premier. Selon lui, mon oncle Olivier lui a passé le flambeau à sa mort.

— Mon Dieu, murmura Honor.

— Nous commençons seulement à assembler les pièces du puzzle, poursuivit Mayhew sur le même ton malheureux, mais la Sécurité a capturé plusieurs assassins vivants, notamment grâce à votre chat. En dehors du premier qu'il a attaqué, il semble s'être contenté d'aveugler ses adversaires. Je crains qu'un seul de ceux que vous avez frappés ait survécu. »

Honor resta silencieuse. Elle se contentait de le regarder, et de compatir. Elle était fille unique mais le clan Harrington était très étendu. Elle n'avait pas besoin qu'on lui explique à quel point il devait être douloureux d'apprendre que votre propre cousin avait comploté pour assassiner votre famille.

« Bref, reprit le Protecteur après un instant, Howard et ses hommes les ont emprisonnés, remis en état et interrogés. Howard refuse de me dire comment. Je crois qu'il a peur que je n'approuve pas ses méthodes; mais quoi qu'il leur ait fait, certains ont parlé assez vite et il a réussi à établir une chronologie grossière.

» Apparemment, Masada entretient une cinquième colonne parmi nos propres réactionnaires depuis la dernière guerre. Nous n'avons jamais rien soupçonné – encore une chose qu'Howard se reproche – car, fanatiques religieux ou pas, ces "Maccabéens" avaient manifestement compris que leurs idéaux différaient trop de ceux de la majorité pour qu'une résistance ouverte ou une guérilla leur apporte quoi que ce fût. Alors, au lieu de se montrer au grand jour et de s'aliéner toute la population. – tout en avertissant la Sécurité de leur existence –, ils ont attendu leur chance de décapiter l'État en un seul coup.

Pour vous remplacer par votre cousin, fit calmement Honor.

— Exactement. » La voix de Mayhew était tout aussi calme. « Aucun des assassins ne l'a jamais rencontré mais la nature du soutien qu'ils ont obtenu – des uniformes et des identifiants authentiques, les horaires de la garde, des cartes détaillées, les sommations et les mots de passe de la Sécurité du palais – désignait une personne à l'intérieur du palais. Et les tueurs ont su dire aux hommes d'Howard comment localiser le réseau de communication "maccabéen", ce qui l'a mené à quelques conjurés qui, eux, connaissaient l'identité de "Maccabée". »

Mayhew détourna un instant le regard.

Howard était atterré. Jared et lui sont de proches alliés au Conseil depuis des armées, alors il s'est senti personnellement trahi. Mais adieu de l'arrêter immédiatement, il l'a affronté en personne et Jared s'est montré assez stupide – ou assez désespéré pour admettre qu'il était Maccabée. Apparemment, il espérait que Howard partageait ses convictions au point de se joindre à lui. Il a dû se dire qu'a eux deux ils pouvaient encore me tuer et prendre ma place... Au lieu de ça, Howard a enregistré toute la conversation avant d'appeler ses hommes pour l'arrêter.

— Protecteur Benjamin, fit doucement Honor, vous avez toute ma sympathie. Savoir que votre cousin...

— Si Jared était capable de trahir notre planète pour Masada, de projeter l'assassinat de ma famille et de tuer des hommes qui me protègent depuis toujours, fit durement Mayhew, alors ce n'est pas mon cousin! La loi de Grayson ne prévoit qu'un seul châtiment pour ce qu'il a fait, capitaine Harrington. Lorsque l'heure sera venue, il payera. »

Honor pencha la tête en silence et les narines du Protecteur s'évasèrent. Puis il se secoua.

De toute façon, il s'est refermé comme une huître depuis son arrestation. Quoi qu'il soit par ailleurs, il a l'air honnête dans ses croyances. Mais il a. commis l'erreur de garder des registres. Howard en a beaucoup appris et pense pouvoir démanteler l'organisation tout entière grâce à eux.

– Il semble que la position de Jared en tant que ministre de l'Industrie ait constitué la clé du complot. Son père, mon oncle, occupait la même position avant lui et ils avaient placé des équipages entiers de Maccabéens sur certains des vaisseaux de construction et d'exploitation minière. Cela fait un moment que les Masadiens entrent et sortent discrètement de Yeltsin – selon Mike, ce n'était sans doute pas difficile s'ils opéraient leur translation en n-espace au-delà de notre portée de détection avant d'approcher à puissance minimale –, et les équipages maccabéens de Jared les rejoignaient pour leur transmettre des messages à destination de Masada.

Howard n'est pas catégorique mais il croit- maintenant que cette guerre n'a été lancée que pour créer la panique et non dans la perspective d'une véritable conquête militaire. Selon l'un des hommes de Jared, le plan consistait à nous faire tuer, Michaël et moi, au moment qu'il jugerait psychologiquement le plus propice. Cela aurait fait de lui le Protecteur, et si la peur et la confusion avaient été suffisantes, il aurait également pu se déclarer dictateur sous prétexte de dénouer la crise. À ce moment-là„ il aurait "négocié la fin des hostilités". Mettre un terme à la guerre sans que Masada n'attaque vraiment la planète devait consolider son pouvoir, après quoi il aurait nommé des amis maccabéens aux postes clés afin de nous "réformer" pour que nous acceptions volontairement la foi de Masada et que Yeltsin s'unisse à Endicott.

— Je ne peux pas croire qu'il aurait réussi, murmura Honor.

— Moi non plus, mais lui le croyait et il avait réussi à convaincre Masada. Si ça avait marché, ça aurait été parfait du point de vue des Fidèles. Ils auraient mis la main sur nous et notre industrie en évitant les destructions qu'une guerre ouverte aurait provoquées, et la première décision de Jared aurait consisté à mettre fin à nos négociations avec vous. Une fois votre Royaume hors jeu, les Masadiens – dont Howard m'a confirmé qu'ils travaillaient bien avec les Havriens – auraient bénéficié de la seule alliance extérieure. En cas d'échec de l'approche "réformatrice", ils auraient pu se servir de cet avantage pour nous régler notre compte à n'importe quel moment.

— Mais les Havriens savaient-ils ce qui se tramait, monsieur ? » demanda le capitaine Truman en se penchant d'un air hésitant vers le micro du terminal. Le Protecteur haussa un sourcil. « Capitaine de frégate Alice Truman, monsieur », précisa-t-elle. Il lui fit signe de poursuivre.

« Il me semble peu probable que Havre attaque de son plein gré un vaisseau de Sa Majesté et risque une guerre avec Manticore dans le cadre d'une opération aussi aléatoire et à si long orme. Même en supposant que cela ne provoque pas un conflit – et je suis loin d'être persuadée qu'ils le supposeraient il y a trop de chances pour que quelque chose tourne mal sur Grayson et que nous soyons invités à revenir.

— Je crains de ne pas encore connaître la réponse à cette question, capitaine, fit Mayhew après un instant de réflexion. Je vais demander à Howard de faire son enquête. De toute façon, je ne vois pas ce que ça changerait. Les Fidèles sont engagés désormais, et ils ont perdu leur "Maccabée". Quel choix leur reste-t-il si ce n'est de poursuivre dans l'option militaire ?

– En effet. » Honor se rendit compte qu'elle se frottait de nouveau la joue gauche et baissa la main. « Bien sûr, s'ils connaissaient la vérité et s'attendaient à ce que Maccabée agisse, cela expliquerait pourquoi ils ont patienté si longtemps. Ils veulent voir s'il a réussi.

— S'ils savaient quand il comptait agir, ils doivent aussi savoir qu'il a échoué », dit Mayhew. Honor haussa les sourcils – eux au moins lui obéissaient tous les deux, pensa-t-elle, mais son humour mordant disparut tandis que le Protecteur poursuivait. « Si son plan avait réussi, capitaine Harrington, votre commandant en second – le capitaine Truman, n'est-ce pas ?... » Honor hocha la tête et il haussa les épaules. « Eh bien, le capitaine Truman aurait déjà retiré vos vaisseaux de notre système. »

Alice Truman se raidit à cette idée. Rien n'aurait pu la pousser à abandonner Grayson aux mains de Masada.

« Et pourquoi donc, Monsieur ? demanda-t-elle, tendue.

— Parce que tout le plan consistait à placer la responsabilité de ma mort sur les épaules du capitaine Harrington », répondit-il calmement. Les trois Manticoriens le regardèrent, incrédules.

« C'est pour cette raison qu'ils étaient armés de disrupteurs, capitaine. Ce ne sont pas des armes graysoniennes, ni même masadiennes. Ils voulaient faire croire que votre demande d'audience n'était qu'un prétexte pour vous approcher de moi et qu'une fois en ma présence vous aviez sorti votre arme extraplanétaire puis assassiné mes gardes et ma famille dans le cadre d'un plan manticorien pour annexer Grayson. Vous auriez été abattue par d'autres gardes dans votre tentative de fuite.

-- Mais il est fou! Le côté droit du visage d'Honor se raidit tandis que son élocution perdait de sa clarté, mais Mayhew ne sembla rien remarquer et elle poursuivit, obstinée. Personne n'y aurait cru! dit-elle plus distinctement.

— Je ne sais pas trop, capitaine, fit Mayhew avec une réticence évidente. Je reconnais que cela paraît insensé, mais Grayson est -une véritable cocotte-minute en ce moment, rappelez-vous. Moi mort et avec votre corps pour "preuve", Jared attrait probablement pu semer une panique et une confusion assez grandes pour lui permettre de prendre le pouvoir et de suspendre sommairement les négociations. S'il y était parvenu et avait informé le capitaine Truman que vos vaisseaux n'étaient plus les bienvenus dans l'espace de Yeltsin, qu'aurait-elle pu faire hormis partir ? Surtout qu'il aurait pu interpréter toute décision inverse comme une preuve supplémentaire d'un complot manticorien en vue de s'approprier l'Etoile de Yeltsin...

— Il n'a pas tort, Honor, murmura Truman en tirant sur une de ses boucles blondes. Bon Dieu. Je déteste avoir à l'admettre mais il n'a pas tort.

— Donc si les Masadiens savaient quand il comptait agir et s'ils surveillent le système pour détecter les signatures d'impulsion sortantes, ils savent qu'il a échoué, fit Honor.

– A moins que, par une chance incroyable, ils prennent les transporteurs pour l'ensemble de notre force, acquiesça Truman.

— Fort peu probable, intervint Mayhew depuis l'écran du terminal. Ils savent exactement combien vous avez de vaisseaux ici, Jared y a veillé... De même qu'il leur a précisé la classe des navires dont vous disposez.

— Oh, merde ! » marmonna Venizelos ; un sourire glacial passa sur les lèvres du Protecteur.

« Donc nous Pouvons nous attendre à une réaction militaire sous peu. » Honor s'aperçut qu'elle était de nouveau en train de se frotter le visage mais cette fois elle n'essaya pas d'arrêter.

– Protecteur Benjamin, nous ne devons plus perdre un instant. Il faut absolument que je consulte votre flotte dès maintenant.

— Je suis d'accord. Vous n'aurez plus aucun problème à ce niveau.

— L'amiral Garret a donc été relevé de ses fonctions ? demanda-t-elle, pleine d'espoir.

— Pas tout à fait. Son œil valide s'étrécit mais Mayhew lui sourit presque naturellement. « J'ai réussi à sauver les apparences pour lui, capitaine, et c'est important, vu l'état de nerfs dans lequel nous sommes tous ici. Plutôt que de le congédier, je l'ai nommé à la tête des défenses orbitales fixes de Grayson. Le commodore Matthews a été promu au rang d'amiral et c'est lui qui commandera nos unités mobiles. Je lui ai très clairement expliqué que cela impliquait d'adapter ses mouvements et ses ressources aux vôtres; cela ne lui pose pas de problème.

— Ça pourrait marcher, fit Honor en réfléchissant à toute vitesse, mais le central opérationnel demeure le point névralgique de nos communications, monsieur. Si Garret décide de traîner les pieds...

— Il ne le fera pas, capitaine. Il n'osera rien faire qui puisse s'interpréter comme une insulte à votre égard sur la planète. » Honor haussa une fois de plus les sourcils à le voir si catégorique, et ce fut au tour de Mayhew d'avoir l'air surpris.

– Vous n'avez pas surveillé nos réseaux d'information, capitaine ?

— Monsieur, je n'ai quitté l'infirmerie qu'il y a quarante minutes. Elle fronça les sourcils sans comprendre ce que les réseaux d'information venaient faire là-dedans„ puis elle se rappela l'étrange expression qu'avait eue Venizelos en les mentionnant. Elle lui jeta un regard acéré et il haussa les épaules en esquissant ce qui ressemblait fort à un sourire.

« Je vois. » La voix de Mayhew ramena son attention vers l'écran du terminal. « Dans ce cas, vous rie pouvez pas savoir. Attendez une seconde. » Il éteignit son micro un instant pour s'adresser à quelqu'un d'autre, puis il la fixa de nouveau.

– Ce que vous allez voir passe presque sans interruption sur les réseaux vidéo depuis la tentative d'assassinat : un cadeau du système de surveillance du palais, capitaine. Je dirais que ce document a déjà eu plus d'audience qu'aucun flash d'information dans notre histoire. »

Son visage s'effaça avant qu'elle puisse demander des éclaircissements. L'écran demeura vide une seconde, puis une autre image apparut.

Elle laissait beaucoup à désirer d'un point de vue artistique, pensa-t-elle dans un coin de son esprit, mais la définition était remarquablement élevée pour un objet aussi grossier qu'une cassette vidéo. Il s'agissait du dîner, et elle se vit penchée vers le Protecteur, l'écoutant attentivement, tandis que Nimitz bondissait de son tabouret pour attaquer le premier assassin.

Elle fixa l'écran, abasourdie par le carnage, pendant que sa propre image quittait sa chaise pour tuer le deuxième intrus. Le capitaine Fox s'effondra et elle se vit éliminer son assassin avant de se précipiter vers les autres, qui chargeaient vers elle. Le plateau volant arrêta le meneur, puis les gens se mirent à tomber dans toutes les directions tandis que des coups de feu éclataient partout dans la pièce.

Elle eut un accès de terreur — elle n'en avait pas eu le temps sur le coup — en voyant les hommes s'effondrer et mourir : comment Nimitz et elle avaient-ils pu réchapper à ce feu croisé ? Puis elle vit sa charge désespérée à la mort du dernier des gardes du Protecteur.

La cassette passait ensuite au ralenti, mais elle ne durait pas longtemps. Le combat lui avait semblé bien plus long sur le moment. Les corps semblaient voler autour d'elle, un Nimitz enragé en faisait tomber d'autres, et dans le même coin de son esprit elle se demanda comment ses instructeurs de l'Académie auraient noté sa forme.

Il semblait impossible qu'elle ait pu survivre, et en voyant Nimitz éliminer un ennemi sur le point de lui tirer dans le dos elle comprit qu'elle serait morte sans son petit allié. Elle tendit la main vers lui, les yeux toujours rivés sur l'écran, et il partit d'un ronronnement rassurant tout en appuyant sa tête dans la paume d 'Honor.

Le sol autour d'elle était couvert d'assassins morts ou mutilés lorsque l'équipe de la Sécurité fit enfin son entrée, et elle sentit son corps tout entier se raidir quand l'homme qui l'avait abattue répéta son geste. Son image s'effondra à l'écran et la sueur perla sur son front lorsque le disrupteur se braqua de nouveau vers elle; puis l'homme se retrouva mort, à terre, et l'écran se vida.

Le visage de Mayhew réapparut et la gratifia d'un sourire discret.

« Voilà ce que tout Grayson peut voir depuis quelques heures, capitaine Harrington : une bande sur laquelle vous sauvez la vie de ma famille », dit-il doucement. La moitié vivante de son visage s'empourpra.

« Monsieur, je... » commença-t-elle, hésitante. Mais la main levée de Mayhew la fit taire.

« Ne dites rien capitaine. Pour ne pas vous embarrasser, je ne le répéterai pas, mais de toute façon ce n'est pas nécessaire. Je pense que cette bande devrait fermement discréditer toutes les rumeurs selon lesquelles vous étiez à l'origine de la tentative d'assassinat. Et après l'avoir visionnée, plus personne sur cette planète - l'amiral Garret inclus — n'osera jamais remettre en question votre capacité à servir en tant qu'officier, n'est-ce pas »

Pour L'Honneur de la Reine
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